La question du congé menstruel est à la croisée de nombreuses préoccupations sociales : vie professionnelle, santé, égalité de genres, législation, … Le cycle menstruel, invalidant dans de nombreux cas, peut-il s’inscrire durablement dans le droit du travail et dans les entreprises ?
C’est un fait, le cycle menstruel impacte la vie de nombreuses personnes, et donc forcément la sphère professionnelle. Des règles douloureuses peuvent dans certains cas être apaisées par la prise d’antalgiques, mais nous savons aujourd’hui qu’un nombre non négligeable de personnes souffrent de douleurs plus aigües (dysménorrhée), qui peuvent être liées notamment à l’endométriose (qui touche 10% des femmes en âge de procréer).
Rappelons également que le cycle menstruel peut avoir, dans certains cas, des répercussions sur la santé mentale : le trouble dysphorique prémenstruel, se manifestant par des troubles de l’humeur intenses (anxiété, dépression), touche jusqu’à 8% des femmes.
Si normaliser le congé menstruel permettrait de mieux prendre en compte la santé des femmes sur le lieu de travail, cela pose aussi plusieurs questions du point de vue juridique.
Le congé pour incapacité de travail en Belgique
En droit du travail belge, on distingue plusieurs causes de “suspension” : maladie, grossesse, congé parental, congé sans solde, … Lorsque la rémunération du travailleur est maintenue, il revient à l’employeur, à la mutuelle, à l’assurance ou encore à l’ONEM de le payer.
L’arrivée d’un nouveau type de congé vient poser de nombreuses questions : avec ou sans solde ? Ce congé serait-il à charge de l’Etat ? Faudrait-il fournir un certificat médical ?
Dans certains pays, le congé menstruel est inscrit dans la loi
Le congé menstruel est inscrit dans la loi en Espagne depuis 2023. Qu’est-ce que ça signifie exactement ? Une attestation, valable un an, donne droit à 3 jours de congés payés par mois aux personnes souffrant de règles douloureuses. Si nécessaire, un certificat supplémentaire peut octroyer 5 jours à la travailleuse bénéficiant de cette attestation.
Au Japon, le droit au congé menstruel est légal depuis 1947, mais ces congés ne sont pas payés, ce qui est également le cas pour la Corée du Sud. Une minorité d’entreprises proposent cependant un remboursement. A Taiwan et en Indonésie, les travailleuses ont droit à plusieurs jours de congés menstruels payés par an.
Pour ou contre ?
Une meilleure reconnaissance de la santé gynécologique
Selon l’OMS, la santé menstruelle doit être « reconnue, encadrée et traitée comme une question de santé et de droits humains ». Et si une meilleure prise en compte, au niveau légal et professionnel, des douleurs menstruelles, participait à cette évolution ?
Instaurer un congé menstruel permettrait-il de réguler la situation des personnes qui en bénéficieraient ? En effet, les personnes qui se trouvent en incapacité de se rendre au travail à cause des douleurs vont de toute façon avoir recours soit à du télétravail, soit, dans les cas les plus extrêmes, se rendre chez le médecin.
Enfin, le principe du congé menstruel, en s’assurant du bien-être des travailleuses, met en évidence ceci : travailler dans de mauvaises conditions, physiques ou mentales, est finalement contre-productif, et pénalise à la fois l’entreprise et le travailleur.
Son instauration se révèlerait aussi particulièrement utile pour les personnes pratiquant une activité professionnelle lourde physiquement.
Les réticences : la porte ouverte à la stigmatisation ?
Et si ce congé stigmatisait, encore plus, les femmes sur le marché du travail ? Cette réticence, qui part d’une volonté d’égalité, dévoile un mécanisme de discrimination à l’embauche, similaire au refus d’embaucher une jeune femme sous prétexte qu’elle risque de tomber enceinte, ce qui est interdit par la loi.
Les employeurs peuvent avoir des réserves du point de vue financier. De fait, si une entreprise décide d’inscrire le congé menstruel dans son règlement de travail, ce congé est à charge de l’employeur. A contrario, si le congé menstruel s’inscrit dans la loi belge ou dans une CCT sectorielle, une pris en charge par la sécurité sociale pourrait être prévue, ce qui éviterait toute forme de discrimination au sein de l’entreprise.
Quelques pistes de réflexions concrètes
Le congé menstruel permettrait de s’absenter, pour une courte durée, dans un autre cadre que l’incapacité de travail classique (« maladie »). Il suscite plusieurs réflexions, qui permettent d’étayer le débat :
- Quelles seraient les modalités d’instauration de cette nouvelle cause de suspension ? Le congé menstruel peut s’inscrire, par exemple, au niveau de l’entreprise, au niveau du secteur voire au niveau fédéral.
- Fournir un certificat médical serait-il obligatoire ? Il peut s’agir par exemple d’une attestation valable 1 an, ou d’un certificat lors de chaque absence. En Belgique, les travailleuses de la STIB peuvent utiliser ce congé menstruel en prévenant leur responsable mais ne doivent pas fournir de certificat médical.
- Combien de jours seraient couverts par ce congé ? À priori, il sera de un jour minimum par cycle.
- Ce congé serait-il payé ou sans solde ? La STIB octroie par exemple un « congé sans solde d’inconfort », assimilé dans le calcul du 13ème mois et des écochèques.
- La configuration du télétravail, comme alternative au congé, pourrait-elle être repensée ?
Le débat reste ouvert !
L’idée d’un congé menstruel suscite beaucoup d’interrogations, notamment en termes d’inclusivité. En tant qu’employeur ou manager, sonder les personnes concernées par le congé menstruel peut être un premier pas vers une communication plus bienveillante et une meilleure prise en compte des besoins des travailleurs.
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