A l’ère du numérique, il peut être tentant et facile pour l’employeur de contrôler et surveiller les moindres faits et gestes de ses travailleurs. Cependant, l’employeur ne peut pas faire ce qu’il veut et doit respecter la vie privée de ses travailleurs. L’employeur peut-il être considéré comme faisant de l’espionnage au travail ?
Le droit à la vie privée est un droit fondamental. Mais existe-il également au travail ? Le cas échéant, l’employeur doit respecter certaines conditions s’il veut restreindre ce droit. Quelles sont les conditions ?
Principe : le travailleur a droit à une vie privée au travail
La Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit à la vie privée comme un droit fondamental. Ce droit s’exprime au sens large et comprend donc également le droit à une vie privée dans la sphère professionnelle.
Notre Constitution belge consacre étagement ce droit à la vie privée.
Outre les règles de base citées, plusieurs lois et conventions collectives de travail ont consacré ce droit dans des situations spécifiques, comme par exemple, les communications électroniques, les traitements des données à caractère personnel, le contrôle des données de communication en réseau, ou encore la surveillance par caméra ….
Un droit à la vie privée limité
Le droit à la vie privée sur le lieu de travail n’est pas un droit absolu. Il peut faire l’objet de restrictions afin de permettre à l’employeur de prendre connaissance des données privées du travailleur.
Attente légitime
La première chose à vérifier est l’attente légitime du travailleur. Est-ce que le travailleur peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée au travail ? Oui, si le travailleur n’a pas été informé par l’employeur que des mesures de surveillance pouvaient être prises. Ou encore, que l’employeur autorise l’usage du téléphone, de l’ordinateur, de la messagerie, des emails, etc. à titre privé.
Afin d’éviter que les travailleurs s’attendent légitimement à une vie privée sur leur lieu de travail, il est conseillé d’adopter une politique réglementant l’usage des outils à titre privé sur le lieu de travail en l’interdisant. Cette politique permettra plus facilement à l’employeur de contrôler l’usage du matériel professionnel, et évitera ainsi toute confusion en parlant d’espionnage sur le lieu de travail par l’employeur.
Type de données
Lorsque le travailleur peut s’attendre à une vie privée au travail, il convient de faire la distinction entre les données à caractère purement professionnel non contesté par le travailleur, les données à caractère privé et les données à caractère mixte.
En cas de caractère purement professionnel, l’employeur peut consulter et contrôler sans aucune autre condition et ce, afin d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise, sans que cela soit nommé de l’espionnage au travail.
Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de données à caractère privé et à caractère mixte. L’employeur peut en prendre connaissance moyennant le respect de certaines conditions :
- la condition de légalité : une norme légale doit autoriser une attente à la vie privée ;
- la condition de finalité : le contrôle des données doit poursuivre un objectif mentionné par la norme légale ;
- ainsi que la condition de proportionnalité : il faut que l’atteinte à la vie privée reste limitée au strict nécessaire, au regard de l’objectif poursuivi ;
- mais aussi la condition d’information : il faut informer les travailleurs de tous les aspects de la politique de contrôle.
De manière générale, l’employeur pourra toujours prendre connaissance des données à caractère privé s’il a obtenu le consentement du travailleur. Cependant, le consentement doit TOUJOURS être donné en connaissance de cause.
Prévoir par défaut le consentement dans le contrat de travail n’est pas suffisant ni admis par la jurisprudence : le travailleur n’a pas d’autre choix que de signer son contrat et, par conséquent, de donner son consentement. Celui-ci n’est donc pas libre…
Distinction entre le contenu des données et les données elles-mêmes
S’il a respecté les conditions énumérées plus haut, l’employeur pourra prendre connaissance des données à caractère privé ou à caractère mixte. Il ne pourra prendre connaissance que des données et pas du contenu. Par exemple, l’employeur peut prendre connaissance de l’adresse de l’expéditeur et du destinataire de l’email, de la date d’envoi et de l’heure d’envoi mais il ne pourra en aucun cas prendre connaissance du contenu de l’e-mail sur cette simple base. Auquel cas, ceci sera considéré comme de l’espionnage au travail…
Pour prendre connaissance du contenu des e-mails du travailleur, des principes plus stricts sont applicables.
Importance de respecter les conditions
Il est extrêmement important que l’employeur respecte bien les modalités et les conditions pour déroger au droit au respect de la vie privée. En cas de non-respect, l’enjeu est grand… Les preuves apportées lors du licenciement ne seront pas recevables et l’employeur sera redevable d’indemnité.
En outre, une plainte portée auprès de l’Autorité de Protection des données reste également possible, avec amende à la clé… Prudence donc, dans la prise de connaissance des données privées sur le lieu de travail.
En tant qu’employeur, je souhaite en savoir plus sur le contrôle des données à caractère privé et sur la politique de contrôle des données au sein de mon entreprise ?
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